Numéro 7
Numéro 7 : « Le stéréotype : fabrique de l’identité ? »
Année 2017
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Comité de rédaction :
Rédactrice en chef : A’icha Kathrada
Rédactrice adjointe : Claire Couturier
Secrétaires de rédaction : Alice Burrows / Cécile Rousselet
Chargée de communication : Alice Morin
Chargées de diffusion : Florelle Isal / Gianna Schmitter
Responsables du comité scientifique : Anne Sweet / Karima Zaaraoui
Comité scientifique (enseignants de Paris 3) : Bruno Blanckeman / Mireille Calle Gruber / François Jost / Hélène Le Dantec-Lowry / Serge Martin / Carole Matheron / Éric Maigret / Marie-Linda Ortega / Armin Owzar / Hélène Quanquin / Valérie Spaëth
Comité scientifique (docteurs) : Lena Bisinger / Yann Deschamps / Fabien Landron / Constantin Mytaloulis / Paolo Alexandre Néné / Camille Prunet / Maria Serafina Russo / Luísa Assunção Pesché / Etienne Sauthier / Francesca Tumia
Comité de lecture : Dominique Casimiro / Julia Castiglione / Enrique Cortes-Larravide / Raja Gmir-Ezzine / David Lipson / Tomaso Meldolesi / Lorreine Petters / Cécile Poulot / Oula Wehbe / Charlotte Wadoux
Conception graphique et mise en pages : Claire Pacquelet
Avec ce numéro 7, A’icha Kathrada et Claire Couturier avaient pour ambition de consolider le comité scientifique, avec 11 enseignants-chercheurs qui ont renouvelé le comité, et 10 docteurs, qui ont évalué les propositions de manière anonyme, via un formulaire en ligne, mis en place cette année. Le comité de rédaction a par ailleurs reçu 39 propositions pour en retenir 8. À cela, s’ajoute le dossier invités qui propose un format libre à ces auteurs : Anne Crémieux, maîtresse de conférences à l’Université Paris-Ouest Nanterre et Sophie Canal et Christiane Vidal, toutes deux écrivains françaises, résidant au Pérou. La revue poursuit son ambition transdisciplinaire, offrant un croisement entre les différentes disciplines. Ainsi, le comité de relecture et les auteurs ne concernent plus uniquement des membres de l’université Sorbonne Nouvelle – Paris, mais également ceux d’autres universités. Le comité de rédaction espèce pouvoir publier sur Revues.org et impliquer d’autres universités de Sorbonne-Paris Cité. Enfin, afin de participer plus activement au monde de la recherche, le comité de rédaction a organisé en ce 26 avril une table ronde autour de la thématique.
Sommaire :
Editorial Les caricatures de l’exil. L’exemple de la presse russophone en France des années 1920 – 1930 Si les premières caricatures traitant des immigrés et mettant en images la perception stéréotypée de ces étrangers paraissent aux États-Unis à la fin du XIX siècle, il faudra attendre les années 1970 afin de voir le même sujet pleinement évoqué dans la caricature française. Dans notre article, nous ferons appel à un corpus peu connu, à savoir, les caricatures parues dans la presse minoritaire russophone en France dans années 1920 – 1930, soit encore au début de l’immigration de masse vers l’Hexagone. A cette époque, les exilés politiques russes ne constituent que de 2,6% des étrangers résident en France, mais se démarquent par une activité éditoriale qui, avec plus de 300 périodiques, surpasse largement celle d’autres communautés. Au travers l’ensemble des dessins satiriques des revues Oukhwat (1924), La Russie Illustrée (1924 – 1939) et Satyricon (1931), nous essayerons de relever les stéréotypes (« auto-stéréotypes » et « hétéro-stéréotypes ») concernant les exilés russes, mais aussi de voir comment les dessinateurs tâchent de les combattre tout en s’interrogent sur la construction de la nouvelle identité en exil. Le Bricherismo et les fantasmes de l’exotisme. Analyse de la circulation des stéréotypes dans le tourisme de romance au Pérou Le terme brichera désigne des Péruviens, hommes et femmes, dont la principale activité est de séduire des touristes occidentaux dans le but d’entretenir une relation sexuelle ou amoureuse avec eux et d’en retirer un bénéfice matériel ou symbolique. La séduction comme « art de chasser la gringa » en milieu touristique, repose sur un ensemble complexe de représentations de l’altérité. Les voyageurs projettent leur imaginaire exotique sur le monde Andin. Ces représentations sont assimilées par les bricheras afin de produire une identité et un discours désirables et fascinants. Le bricherismo exalte les « mises en scène de soi » aussi bien dans la transition identitaire qu’implique le voyage chez le/a touriste que dans la folklorisation stratégique de la culture. L’étude de l’influence réciproque des imaginaires stéréotypés dans les relations de séduction entre touristes et locaux pense les rapports sociaux de sexe dans un contexte marqué par les inégalités Nord/Sud. L’objectif de cet article est de présenter une analyse de la circulation des stéréotypes de genres, de races et de classes au sein des échanges de type économico et culturo-sexuels entre les hommes bricheros et les femmes occidentales. Comment les fantasmes à l’œuvre dans les relations brichero/gringa nous informent-ils sur la complexité des processus identitaires dans le « passage » du voyage ? Ville(s) nouvelle(s) à l’écran : stéréotype filmé des grands ensembles berlinois (1961-1989) Cet article, prenant appui sur l’étude empirique de près de quatre-vingts longs métrages de fiction, s’intéresse à la représentations de la ville de Berlin divisée, dans les cinématographies des deux Allemagnes entre 1961, date de la construction du Mur, et 1989, date de sa chute. Plus spécifiquement, il s’agit de s’emparer du stéréotype filmé des constructions nouvelles et plus spécifiquement de celui du grand ensemble, en questionnant tant sa composition formelle que le poids symbolique et sémiotique fort dont il se charge. Ainsi, après avoir évoqué la manière dont se construit cette image-type, on observera l’évolution du propos attaché à ces nouvelles constructions. Faisant dans les années 1960 la réclame de la « ville nouvelle », elles deviennent à la fin de la décennie suivante l’objet d’un rejet allant jusqu’à la critique frontale. Performer les stéréotypes d’une nouvelle société. Cinémas tunisien et égyptien postrévolutionnaires Mathilde Rouxel L’émergence des nouvelles technologies et du digital eut un impact considérable dans les milieux créatifs des différents pays du monde arabe. L’image, jusque-là réservée à une élite, se démocratise partiellement et se détache des systèmes de production traditionnels : dès le début des années 2000, de jeunes cinéastes – et de moins jeunes – s’emparent des caméras numériques et tentent de filmer leur réalité. Avec les révolutions dites du « printemps arabe », les types se multiplient, se transforment en stéréotypes : en Égypte comme en Tunisie, on construit tant en fiction qu’en documentaire le stéréotype du jeune révolutionnaire, celui de l’extrémiste religieux, de la femme libérée. Passé le moment révolutionnaire, les stéréotypes persistent, nuancés parfois par des types d’un autre ordre, destinés à nuancer ou à renforcer le caractère pluriel mais un des identités égyptiennes, tunisiennes, arabes. La construction des types elles-mêmes se fait sur la structure traditionnelle du stéréotype, ce qui permet justement une identification du peuple défini. En discutant ce processus de formation de nouvelles figures emblématiques du cinéma post-révolutionnaire, il s’agit donc dans le cadre de cet article d’analyser le passage du type au stéréotype, et par-là la formation d’un nouveau type de discours consensuel.
L’image de l’Autre ou l’altérité entre inclusion et exclusion Les événements historiques et les conflits ont, ces dernières décennies, marqué l’imaginaire occidental et ont permis à ce dernier de se forger des images négatives voire péjoratives du monde arabe. À travers Les identités meurtrières (A. Maalouf, 1998), nous proposons d’étudier la façon dont l’auteur approche et interprète le problème d’identité et l’impact des stéréotypes conçus par l’Occident à l’ère de la mondialisation. Face à la représentation choquante de l’altérité arabo-musulmane, Maalouf tente dans un contre-discours de démolir les stéréotypes de l’Occident. Il dépeint dans son texte un Orient riche de sa diversité identitaire, culturelle et linguistique, un monde positivement hétérogène et multiculturel. Les fonctions du stéréotype d’adoption par l’allaitement dans le Skandapurana chap. 158 et 162 L’article se fixe pour objectif d’analyser l’emploi du stéréotype de l’adoption par lactation spontanée dans les chapitres 158 à 162 du Skandapurāṇa. La méthodologie mise en oeuvre, à savoir l’évaluation du texte par le prisme de la stéréotypie, se trouve justifiée non seulement par la nature du genre purāṇique mais aussi par le sujet traité dans ces chapitres. En effet, bien que parole révélée enseignant le dogme brahmanique, le Skandapurāṇa propose ici une prescription rituelle inédite, illustrée par un récit mythologique original. L’article s’articule en deux temps. Le premier identifie l’adoption par lactation spontanée comme stéréotype dans la littérature épique et purāṇique et en dégage sa structure narrative grâce à une étude diachronique des occurrences. Le deuxième est consacré à l’analyse des fonctions du stéréotype au sein des chapitres 158-162. Celle-ci révèle que la reprise de la structure actantielle du stéréotype remplit les fonctions d’évocation et de vraisemblance attribuant au récit son caractère mythique, tandis que la rupture de cette même structure, induite par la fonction sociale du stéréotype, assure à la prescription nouvelle son statut orthodoxe. Enfin, le processus d’identification engendré par le stéréotype offre à l’auditeur un modèle à suivre, répondant aux exigences didactiques de l’oeuvre. Idées reçues au masculin et au féminin dans l’œuvre de Georges Darien Comment rendre compte dans l’œuvre de fiction des lieux communs qui déterminent un processus de socialisation ? Georges Darien réinvestit les idées reçues directement reliées à l’ordre biologique des sexes. Il semble suivre la voie d’une différenciation remarquable entre la jeune fille et le jeune homme. A la première, il associe tous les clichés d’une féminité entre misogynie, décérébration, animalisation caricaturale, tendance névrotique, bovarysme facile. Au second, il offre toute la panoplie d’une masculinité synonyme de virilité, de force, de courage, d’honneur. Mais Darien se contente-t-il de mettre en récit des idées reçues ? Il opte, au contraire, pour un dépassement original de ces poncifs. Le jeune homme apparaît comme un modèle à rebours de l’idéal paternaliste de l’Ancien Régime puisqu’il connaît l’impuissance, la frénésie d’une science ridiculement palliative, l’identité troublée. La jeune femme, de son côté, puise dans les clichés de la masculinité en endossant les attributs de la virilité et la capacité à se jouer des hommes. Ainsi, les apparences sont trompeuses. Elles le sont d’autant plus que Darien illustre dans cette réécriture des stéréotypes une “modernité” avant l’heure. Il dépasse les préjugés « fin de siècle » et réinvestit narrativement la crise de l’identité masculine au tournant du siècle. En dépit de la richesse des influences (ethniques, sociales, économiques, nationales) qui alimentent la poésie contemporaine, nombreuses sont les femmes poètes qui choisissent de mettre en scène « cette réalité mystérieuse et menacée qu’est la féminité » (S. de Beauvoir, 1949) à travers une galerie de personnages aussi caricaturaux que les codes sur lesquels ils se fondent. Ce phénomène de « prolifération parodique » (J. Butler, 1990) contamine jusqu’à la forme des poèmes, où citations et phrases toutes faites se mélangent sans autre lien que le retour d’un mot ou d’un son, permettant ainsi aux femmes poètes de démonter le processus de construction culturel et linguistique à travers lequel les identités « genrées », mais aussi les discours qui aident à les construire, se perpétuent. |