Numéro 10-La Condition animale: stratégies discursives et représentations

La Condition animale: stratégies discursives et représentations

Numéro 10 – Publication 27 septembre 2021

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Comité de Rédaction 
Rédactrices en chef : Priscilla Coutinho (Dr., Ed 122), Justine Le Floc’h (Dr., Paris 4), Gianna Schmitter (Dr., Ed 122)
Secrétaires de rédaction : Baptiste Mongis (Ed 122)
Responsables du comité scientifique : Anne Sweet (Dr., Ed 514) et Emilie Cheyroux (Dr. , Ed 514)
Responsables Association: Fanny Auzéau (Dr., Ed 268) et Aliette Ventéjoux (Dr., Ed 514)
Responsables Ateliers: Myriam Boulin (Dr., Paris 7) et Marija Apostolovic (Ed 622)
Chargée de finances :  Nadia Bacor (Ed 268)
Chargée de communication : Eve Benhamou (Ed 514)

Comité scientifique (Professeurs et Maîtres de Conférences)
Ondine Aza, Université Toulouse 1 Capitole
Pauline Beaupoil-Hourdel, Sorbonne Université-Paris 4
Etienne Bimbenet, Université Jean Moulin Lyon 3
Claire Caland-Rouby, Autrice et chercheuse indépendante
Claude Chastagner, Université Paul Valéry Montpellier 3
Cécile Coquet-Mokoko, Université de Tours
Claire Cornillon, Université de Nîmes
Pierre-Olivier Dittmar, EHESS
Fanny Domenec, Université Paris 2-Panthéon-Assas
David Dumoulin, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3
Jean Kempf, Université Lumière- Lyon 2
Florent Kohler, Université de Tours
Barbara Laborde, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3
Christine Lorre-Johnston, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3
Hervé Mayer, Université Paul Valéry Montpellier 3
Coraline Pradeau, Université de Rouen
Turki Ramzi, Université de Monastir
Alain Romestaing, IUT Université Paris Descartes -Paris 5

Comité scientifique (Docteurs)
Mathilde Bedel, EPHE
Christelle Exare, ESPE de Créteil – Université Paris-Est-Créteil
Elodie Giraudier, Université de Bourgogne- Franche Comté
Fadi Khodr, Houda Landolsi, Juliette Ledru, Université Reims Champagne Ardenne
Konstantinos Mytaloulis, Meera Perampalam, Luisa Pesché, Camille Prunet, Université Paris 3
Sylla Salian, Paris Sorbonne
Maria Serafina Russo, Lea Stephen, Université de Toulouse Jean Jaurès

Comité de lecture
Amel Aït-Hamouda (doctorante, ED 120, Université Sorbonne-Nouvelle– Paris 3)
Mathilde Albisson, doctorante contractuelle, Sorbonne Nouvelle – Paris 3, ED 122
Marion Coste (docteure, Université Cergy Pontoise)
Oscar Gamboa (doctorant, Université Sorbonne-Nouvelle – Paris 3)
Raphaël Jaudon (docteur, Université Lyon 2)
Pamela Krause (doctorante, ED III, Sorbonne)
Stéphane Lucido (doctorant, EHESS)
Élodie Martin (docteure, Université des Antilles)
Jérôme Michalon (docteur, Université Jean Monnet)
Pierre-Elie Pichot (doctorant, Université Sorbonne-Nouvelle – Paris 3)
Charles Plet (docteur, ED 120, Université Sorbonne-Nouvelle – Paris 3)
Camille Roelens (doctorant, ED EPIC, UJM Valenciennes)
Anaïs Vajnovszki (doctorante, ED 268, Université Sorbonne-Nouvelle – Paris 3)

Numéro évalué par le comité de lecture des Presses Sorbonne Nouvelle.
Avec le soutien des écoles doctorales, la Commission de la recherche  de l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3.

Illustrations : ©Phabulo Mendes de Sousa
Conception graphique et mise en page : Inès Prévot

ISSN 2105-1135

Le numéro – Sommaire – Résumés

Editorial
Priscilla Coutinho et Gianna Schmitter 

Dossier invités – Partie I 

Les études animales pour voie de recherche
Violette Pouillard 

Quelle est la place des animaux dans les sociétés industrielles ?
Florence Burgat 

Penser autrement les animaux
Eric Baratay  

Débats et mobilisations autour de l’élevage. Une transformation des normes sociales
Eric Baratay

Résumé : Une controverse autour de l’élevage oppose le secteur agricole aux associations de protection de l’environnement et des animaux, et tend à transformer les normes sociales régissant les rapports aux animaux et à l’alimentation. L’analyse quantitative et qualitative des discours militants et un retour sur l’évolution sociohistorique de la controverse montrent qu’actuellement, c’est vers une prise de distance avec une forme d’élevage perçue comme dégradant le bien-être des animaux qu’évoluent les normes règlementaires, professionnelles et culturelles. La controverse autour de l’élevage contribue à abolir les clivages traditionnels entre l’agriculture et le reste de la société, et traduit une volonté d’une partie de la société française de se réapproprier la manière dont sont produits les aliments qu’elle consomme.

Divisés dans l’unité. Une analyse empirique de la diversité des stratégies de communication et d’action des organisations de défense des animaux 
Romain Espinosa

Résumé : Les associations de défense des animaux se distinguent sur les objectifs qu’elles poursuivent à court terme ainsi que sur les méthodes d’actions qu’elles mobilisent pour induire le changement de société auquel elles aspirent. Ce travail cartographie les militantismes de dix-neuf associations françaises de protection animale à partir de réponses fournies à un questionnaire. Il classe les associations sur deux dimensions : leur niveau de welfarisme, c’est-à-dire leur volonté de plaider à court-terme pour l’amélioration des conditions de vie des animaux plutôt que l’abolition de l’exploitation animale, et leur niveau de modération, c’est-à-dire l’utilisation de méthodes non-violentes pour instiguer le changement de société désiré. Cette étude conclut que le militantisme français de défense des animaux se veut majoritairement welfariste et modéré. 

Penser la domination. Rôles et limites de l’analogie sexisme-racisme-spécisme dans le discours anti-spéciste 
Mathilde Royet 

Résumé : Le but de cet article est de proposer une analyse critique de l’emploi de l’analogie spécisme-racisme-sexisme en éthique animale comme dans les courants plus larges dits « antispécistes ». Le premier moment de la réflexion expose une analyse logique, épistémique et rhétorique de l’outil qu’est l’analogie afin de mieux comprendre les enjeux de son emploi en contexte éthico-politique. Ensuite, fort de ces analyses, le second temps de l’article montre que les analogies entre dominations fonctionnent aujourd’hui comme un lieu commun de l’éthique animale. Enfin, un détour par les critiques du féminisme noir ou intersectionnel à l’encontre de l’analogie sexe-race nous permettra d’esquisser une réflexion sur un usage éthique de l’analogie en contexte antispéciste, qui tienne compte des critiques à son encontre, mais évite son rejet définitif et complet au motif de son anthropocentrisme.

Féminisme et antispécisme. Penser l’oppression des femmes à travers la condition animale et l’image de la wilderness dans les road movies 
Héloïse Van Appelghem 

Résumé : Dans les road movies, la nature sauvage permet aux protagonistes de quitter un ordre social oppressif : l’évolution spirituelle et identitaire entre en écho avec l’harmonie de la nature et le règne animal. Lorsque ce sont des femmes qui prennent la route, la critique socio-politique est redoublée d’une dimension symbolique, réactualisant la figure de la « femme sauvage », libre et indomptée, traduisant l’émancipation féminine. L’usage de la métaphore animale permet de relier le sexisme et le spécisme. L’interconnexion de ces deux formes de domination révèle également des points de tension, en faisant émerger le concept de « référent absent ». Nécessaire à première vue, l’usage de la métaphore animale pourrait a contrario contribuer à la réification des femmes et des animaux, et mérite d’être questionnée. Le recours à la métaphore, par l’animalisation des femmes et la féminisation de la nature constitue-t-elle la clé d’une critique féministe et antispéciste ?

Justice animale et justice sociale dans deux romans sud-africains. Ninive d’Henrietta Rose-Innes et The Whale Caller de Zakes Mda 
Emeline Baudet

Résumé : L’artiste Depuis la fin de l’Apartheid, toute discrimination raciale est abolie en Afrique du Sud. Or les injustices et inégalités de fait prévalent encore largement. Dans ces deux romans, où les personnages humains entretiennent une relation privilégiée avec les espèces animales, faite d’amour et de soin, l’exclusion et l’intégration de ces « others » que sont les animaux dans les sphères de relations humaines sont des relais pour l’histoire contemporaine sud-africaine. La représentation de la défense de la cause animale montre l’échec de stratégies dites protectrices qui finissent toujours par reconduire une certaine domination masculine. Elle interroge la possibilité de construire d’autres modes de relation aux animaux qui, à l’inverse, ne reposent pas sur la séduction ni l’attraction destructrice dans l’univers des humains, mais sur l’élaboration d’un concept de justice qui s’applique à tous les êtres, humains aussi bien que non-humains.

Dossier invités- Partie II 

A propos des dauphins – Fanbase & addiction
Camille Brunel 

A la recherche de semences
Ondjaki 

(P)rendre les armes. La poétique animalière de Rick Bass
Claire Cazajous-Augé

Résumé : Les nouvelles de l’auteur nord-américain et militant écologiste Rick Bass jouent un rôle essentiel dans son combat visant à protéger les animaux. Ses narrateurs nous encouragent à modifier nos relations aux animaux non-humains en donnant à voir la vulnérabilité et la richesse de leurs modes d’être. Ils recourent alors au pathos et à des jeux rythmiques, sonores et syntaxiques. De manière surprenante, ils choisissent aussi parfois de ne pas décrire des animaux, notamment dans des récits de rencontre entre un homme et un animal. De même que, dans son combat militant, l’auteur défend l’idée de la création de zones protégées pour les habitats animaliers, de même les narrateurs bassiens façonnent des modes narratifs et descriptifs respectant une éthique de la non-interférence.

Le chœur animal: sur un écho jaillissant du silence
Clémence Mesnier 

Résumé : Wajdi Mouawad (Anima, 2012), Antonio Lobo Antunes (Le cul de Judas, 1983) et José Eduardo Agualusa (Le marchand de passés) ont choisi d’ériger la voix animale comme moteur de la diégèse de leurs œuvres afin de dévoiler la fonction métonymique de l’animal, qui représente l’humanité aux abois, la subalterne à qui la parole officielle a été retirée. Écrire l’animal, c’est se fondre en lui, substituer la vulnérabilité et la sensibilité au logos. L’animal évolue avec des formes d’expressions qui lui sont propres, faites de sensations, de métamorphoses, d’empreintes, de traces, et de lignes à pister. Organiser l’économie romanesque en une vaste polyphonie organique permet de sortir de l’anthropocentrisme et de redonner à l’animal-subalterne la voix qui lui a été confisquée. Ce faisant, le regard animal accuse l’homme, lui renvoyant une image humiliante de lui-même.

 La révolution du hérisson. Jefferson à l’assaut de l’ordre spéciste
Alice Brière-Hacquet 

Résumé : En 1973, l’arrêt de la Cour Suprême San Antonio v. Rodriguez établit que l’éducation n’est pas un droit fondamental couvert par la constitution fédérale aux États-Unis. Plus de quarante ans après, Michael Rebell, professeur à l’université de Columbia, entreprend de rouvrir ce procès en collaboration avec des historiens. Quel est le rôle de la recherche historique dans cette démarche ? Quelles interprétations divergentes de la situation présente émergent de la collaboration des avocats et historiens ? L’exemple d’un procès en cours aux États-Unis éclaire la question de l’utilisation de l’histoire et de la démarche judiciaire. La recherche historique se soumet aux exigences du présent et se confronte à la nécessité immédiate de construire une argumentation efficace pour les tribunaux américains.

 Définir l’animal d’un point de vue linguistique. Approches lexicale et discursive
Célia Hoffstetter

Résumé : Dans la perspective de la linguistique énonciative et cognitive, cet article propose une exploration de la catégorie [animal] en anglais contemporain. Traditionnellement, les animaux constituent l’échelon intermédiaire d’une Hiérarchie d’Animation à trois niveaux, entre les humains, d’une part, et les inanimés, d’autre part. Est-il possible de les caractériser indépendamment de l’échelon supérieur ou inférieur ? Cet article s’appuie d’abord sur l’analyse lexicale du nom animal dans l’Oxford English Dictionary, qui permet d’en identifier les traits définitoires centraux. Cette analyse est complétée par une étude exploratoire de l’emploi du groupe nominal the animal dans un corpus de fantasy et de science-fiction, où les référents animaux sont particulièrement variés. Ces approches de la catégorie [animal], à la fois dans le lexique et dans le discours, donnent des éléments de sa complexité et de sa porosité.

« La vache, je t’aime tant que je te mange ». Le néocarnisme dans deux romans français contemporains
Hannah Cornelus

Résumé : Dans les romans français contemporains 180 jours d’Isabelle Sorente (2013) et Comme une bête de Joy Sorman (2012), l’industrie de la viande est considérée comme l’un des lieux types où se manifestent les maux des sociétés capitalistes occidentales. Sous la pression hégémonique de la rentabilité, la vie et la mort des animaux de boucherie y sont devenues des non-sens dissimulés dans des non-lieux. Ces œuvres littéraires contiennent une mise en cause de l’industrie de la viande, sans pour autant préconiser le végétarisme. Au contraire, elles font preuve d’une célébration de la viande que l’on peut caractériser de « néocarniste ». Les romans susmentionnés soulignent le fait que la mort et la violence font partie de la vie et montrent l’importance de la ritualisation. Par leur pouvoir narratif, ils tentent de réinvestir de sens la mise à mort animale et de réinventer le lien séculaire qui unit l’homme à l’animal.

La condition esthétique de la viande. Comment l’art contemporain s’est emparé de la question de la (sur) consommation des animaux 
Vincent Lecomte

Résumé : Les nouvelles de l’auteur nord-américain et militant écologiste Rick Bass jouent un rôle essentiel dans son combat visant à protéger les animaux. Ses narrateurs nous encouragent à modifier nos relations aux animaux non-humains en donnant à voir la vulnérabilité et la richesse de leurs modes d’être. Ils recourent alors au pathos et à des jeux rythmiques, sonores et syntaxiques. De manière surprenante, ils choisissent aussi parfois de ne pas décrire des animaux, notamment dans des récits de rencontre entre un homme et un animal. De même que, dans son combat militant, l’auteur défend l’idée de la création de zones protégées pour les habitats animaliers, de même les narrateurs bassiens façonnent des modes narratifs et descriptifs respectant une éthique de la non-interférence.

Le paradoxe scénographique du homard. Dichotomie entre discours revendiqué et discours produit sur la condition animale dans Accidens. Matar para comer de Rodrigo García
Céline-Marie Hervé

Résumé : Sur scène, un homard est supplicié, découpé, grillé et mangé par un comédien. Si une première lecture de la performance confirme une revendication de l’exploitation animale assujettie à la passion carniste et aux pulsions sadiques de l’homme – discours clairement exprimé par le metteur en scène dans les textes explicatifs de sa proposition –, l’analyse scénographique révèle que d’autres dynamiques discursives sont à l’œuvre et qu’elles ne supportent pas forcément cette revendication. Effectivement, une observation attentive fait émerger d’autres représentations en action : celle du homard comme victime basculant en figure de martyr, l’appel à la compassion face à l’expression (réelle et scénographiée) de sa souffrance, la question du sacrifice (chrétien) de l’innocence, l’injonction au public de se positionner par rapport à sa responsabilité dans sa consommation des animaux, l’éclatement de la notion de représentation par le réel, et donc la portée politique de la « cause poétique », ainsi que le questionnement de la notion même d’humanité. L’articulation de ces discours se pose alors en porte-à faux avec l’intention du metteur en scène exprimée dans ses textes explicatifs. Étant donné que l’expression scénographique vient supporter l’existence d’une condition animale comme sujet d’empathie, elle l’expose en dépit de son créateur, qui, de son côté, revendique l’humain « assassin » comme nature de l’humanité. Le propos de la performance prend donc sa distance avec son auteur par son expression scénographique au profit de la condition animale.

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