Numéro 11 – Réparer la honte. Le rôle éthique et politique de la littérature, des arts et des médias

Numéro 11 – Publication 2022

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Comité de Rédaction
Rédactrice en chef : Justine Le Floc’h (Université du Québec à Montréal)
Rédactrices adjointes : Ève Benhamou (université Sorbonne Nouvelle), Myriam Boulin (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et Priscilla Coutinho (université Sorbonne Nouvelle)
Responsable auteurs : Héloïse Van Appelghem (université Sorbonne Nouvelle)
Responsables du comité scientifique : Aliette Ventéjoux (université Jean Monnet Saint Étienne) et Guglielmo Scafirimuto (université Sorbonne Nouvelle)
Responsables ateliers : Marie Grenon (université Sorbonne Nouvelle) et Claire Salles (université Sorbonne Nouvelle)
Organisation du cycle de conférences-discussions : Marie Grenon (université Sorbonne Nouvelle), Justine Le Floc’h (UQÀM) et Claire Salles (université Sorbonne Nouvelle)
Graphiste : Claire Salles (université Sorbonne Nouvelle)

Comité scientifique
Elisabeth Bouzonviller (PR, université Jean Monnet)
Katell Brestic (MCF, université d’Angers)
Lucie de Carvalho (MCF, université de Lille)
Anne Cousson (MCF, université de Poitiers)
Delphine David (MCF, université Sorbonne Paris Nord)
Morgane Kappès-Le-Moing (MCF, université Jean Monnet)
Sarah Montin (MCF, université Sorbonne Nouvelle)
Alexandra Poulain (PR, Université Sorbonne Nouvelle)
Floriane Reviron-Piegay (MCF, université Jean Monnet)
Antonia Rigaud (MCF, université Sorbonne Nouvelle)
Yvonne-Marie Rogez (MCF, université Paris 2 Panthéon-Assas)


Comité de lecture
Lucie Bonnet (université Jean Monnet Saint Étienne)
Yasna Bozhkova (université Sorbonne Nouvelle)
Catherine Girodet (université de Reims)
Claire Couturier (université Sorbonne Nouvelle)
Fadi Khodr (université Sorbonne Nouvelle)
Ervina Kotolloshi (université Sorbonne Nouvelle)
Pamela Krause (Sorbonne Université)
Anais Ornelas (Sorbonne Université)
Maria Serafina Russo (université Sorbonne Nouvelle)
Charlotte Wadoux (université Sorbonne Nouvelle)

Numéro labellisé par les Presses Sorbonne Nouvelle et réalisé avec le soutien des écoles doctorales et de la Commission de la recherche de l’Université Sorbonne Nouvelle.
Conception graphique et mise en page : Jihane Chartier.
Illustration de la couverture : Caroline Dejoie.
ISSN 2804-7117. Traits d’union (Paris. Imprimé)

Le numéro – Sommaire – Résumés

Editorial
Justine Le Floc’h

Premier volet

Miracle de la rose de Jean Genet : l’éhontement à l’œuvre ?
Chloé Vettier

Résumé Pourquoi l’œuvre romanesque de Jean Genet nous paraît-elle éhontée, alors que la honte y occupe une place fondamentale ? Cette dissonance cognitive est probablement imputable à l’ambivalence même de la honte. Les récents débats autour de la dimension morale ou immorale de la honte nous montrent déjà que la compréhension que nous en avons est plutôt manichéenne. Genet échappe pourtant à ce manichéisme. Dans l’univers carcéral que Miracle de la rose fait voir, la honte stigmatise, elle pousse les personnages à adhérer à un code moral alternatif. De ce code moral, Genet fait une esthétique : ce qui est habituellement associé à la laideur morale devient source de beauté, inspire du plaisir plutôt que du mépris. Cette transvaluation de la honte est l’autre cause de ce que l’œuvre genétienne nous apparaît éhontée.

« Combattre le pire par le mal » : violence et langage par-delà la honte dans Beloved de Toni Morrison
Fanny Corbel

Résumé Cet article vise à interroger le rôle du langage et de la violence féminine face au poids du trauma de l’esclavage chez les personnages morrisoniens dans le roman Beloved (1987), récompensé par le prix Pulitzer en 1988. Toni Morrison y met en scène Sethe, une ancienne esclave, confrontée au fantôme de sa fille Beloved, enfant d’environ deux ans qu’elle a égorgée dix-huit ans plus tôt afin de la protéger des affres de l’esclavage, et désormais symbole du retour des souvenirs enfouis. Infanticide et horreur de la violence raciale sont au cœur de la révélation. Toutefois, comment inscrire dans le récit la honte traumatique liée à la violence innommable et irreprésentable que fut l’esclavage ? En effet, seule la réparation de cette honte historique est à même de permettre l’affirmation de l’indépendance de l’héroïne noire chez Morrison.

Réparer la honte dans les dramaturgies de l’inceste : quel(s) rôle éthique et politique pour le théâtre contemporain ?
Laurianne Perzo

Résumé La honte, en tant qu’écriture de l’irreprésentable, tendrait à réaménager le discours de l’auteur, sa parole, et la structure dramatique de l’œuvre quand l’enjeu est de rendre dicible l’indicible. Cette étude explore les dispositifs capables d’accueillir la fiction et l’équilibre trouvé par des auteurs de théâtre contemporain lorsque par l’écriture, ils transforment la honte liée au traumatisme pour la rendre partageable avec autrui dans les dramaturgies de l’inceste destinées au jeune public. Les outils du théâtre et de la littérature sont mobilisés pour mettre en lumière les mécanismes propres à la description de certains chocs traumatiques et à leur capacité à coloniser le collectif. Il s’agit en outre de proposer une forme artistique capable de contribuer au dépassement des hontes subies en confrontant – par certains détours – à ces situations.

Dossier invités – Partie I

H.O.N.T.E.S (Papa, tu es donc père ?)
Serge Tisseron

Prolégomènes à une philosophie de la laideur comme honte d’impuissance
Claudine Sagaert

Planches

Réparer la honte
Juliette Boutant, Erell Hannah

Second volet

Dire l’indicible : stratégies de corruption chez Lola Lafon
Justine Muller

Résumé Dans ses romans Une fièvre impossible à négocier (2003) et Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce (2011), Lola Lafon met en scène des narratrices-personnages victimes de violences sexuelles habitées par la honte et par conséquent réduites au silence, mais qui parviennent peu à peu à s’en défaire grâce à la libération de leur colère. Ce difficile cheminement des narratrices vers le refus de se taire se traduit par le biais de stratégies de corruption de la langue et des représentations.

« Pute impénitente » : identités et féminismes dans l’œuvre de Carol Leigh
Kelsey Davies

Résumé Cet article propose une lecture des récits de la honte dans l’ouvrage de Carol Leigh, Unrepentant Whore (2004), un assemblage d’œuvres disparates recomposant la vie de travailleuse du sexe et de militante de son autrice. Dans ce recueil de photographies, de prose autobiographique, et autres textes, le « je » narrant reconstruit l’identité prostituée, associée à la honte féminisée. Leigh, considérant que la honte qui les frappe dépossède les travailleur·se·s du sexe de leur potentiel d’association solidaire et d’action politique, estime qu’il sera nécessaire de surmonter la honte ou bien de la déplacer, afin d’articuler une demande d’être reconnu·e·s comme sujets au sein de la sphère publique dominante. Ainsi, l’art permet à Carol Leigh de proposer d’autres modèles de subjectivité et d’embodiment féminins.

(Se) faire violence. La honte dans deux récits du conflit interne péruvien : « ¡Pacha tikra! » de Walter Lingán et « Cirila » de Carlos Thorne
Mathilde Salaün

Résumé Les deux récits brefs « ¡Pacha tikra! » de Walter Lingán et « Cirila » de Carlos Thorne rendent compte du vécu du conflit interne
péruvien et mettent au jour les affects, dont le plus intime est sans doute la honte. Dans cet article, nous interrogeons le rôle éthique de la littérature liée au conflit interne péruvien dans son traitement de la honte. Comment le récit décrit-il les blessures de la honte et en rend-il possible la réparation ? Nous analysons la performativité de la violence verbale à l’intérieur du texte, c’est-à-dire le passage de l’expression du mépris à la honte vécue par les personnages, pour ensuite étudier comment ces derniers prennent en main le récit pour renverser et tâcher de guérir de la honte.

Troisième volet

Le récit de l’institutionnalisation d’un parent : le lien après la honte
Cathy Dissler

Résumé Le présent article se propose d’analyser les modalités de la honte et de la culpabilité dans les récits de filiation écrits par des enfants devenus adultes et consacrés à la fin de vie de leurs parents en institution (long séjour, maison de retraite ou EHPAD). Il s’agira de voir comment l’écriture de la filiation dans un contexte source de culpabilité cherche à construire ou reconstruire un lien dans la relation parent-enfant mais aussi à revendiquer – pour le parent vieux malade, et placé – une singularité et une identité, qualités primordiales de la dignité humaine qui lui sont parfois refusées.

Dire et réparer la honte suicidaire dans le théâtre contemporain
Maria Einman

Résumé Cet article se propose d’examiner, à partir de cinq pièces de théâtre contemporaines, les enjeux de la honte liée au suicide du personnage – d’une part, de la honte qui mène au suicide, d’autre part, de la honte qu’éprouvent les proches du suicidé. Si dans les pièces qui se fondent sur le dialogue, la honte reste le plus souvent indicible, la forme du monologue permet de la réinsérer dans le champ discursif et même de faire communiquer les morts et les vivants. Les pièces étudiées indiquent ainsi à leur spectateur la voie pour parvenir à la réparation de la honte suicidaire qui consiste, au fond, à supprimer le décalage entre l’existence de l’individu et l’idéal de cette existence forgé par les normes sociétales ou familiales, ce qui n’est possible que dans le cadre d’un dialogue véritable avec l’Autre, fondé sur l’acceptation compassionnelle.

Quatrième volet

La honte de l’écriture, l’écriture de la honte : le labyrinthe de Christa Wolf
Guillermo Héctor

Résumé Suite à la révélation de son ancienne collaboration avec la Stasi, Christa Wolf a dû faire face à un opprobre amplifié par l’envergure de sa figure littéraire et politique. Lorsque l’opinion publique met en question son intégrité morale et sa cohérence intellectuelle, l’écrivaine se voit contrainte de revivre un épisode honteux de son passé qu’elle a tout à fait oublié, car l’unique façon de combattre l’humiliation sera la recherche de la vérité à travers l’exposition totale du labyrinthe de sa subjectivité.

Les Misérables à l’Élysée. Étude de cas des dynamiques de médiation du champ artistique vers le champ politique
Tristan Dominguez

Résumé Le film Les Misérables (2019) de Ladj Ly a été au centre du débat politique lorsque le Président de la République, Emmanuel Macron, a demandé au gouvernement d’agir pour les banlieues après son visionnage, à l’Élysée. Cela nous conduit à interroger les conditions de possibilité pour qu’une œuvre, dénonçant de manière artistique des faits honteux et suscitant une honte citoyenne, puisse la réparer, en exportant cette ambition au sein du champ politique. Trois moments clefs dans cette dynamique sont étudiés : le propos et la forme du film ; sa légitimation artistique, permettant une visibilité médiatique et enfin sa réception politique. Ainsi, cette potentialité réparatrice est permise par l’engagement d’intermédiaires culturels tels que les festivals, les distributeurs et les médias.

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