Numéro 5

Numéro 5 : « L’apprentissage: entre initiation et expérience, quel rapport à la connaissance? »

Année 2015

Numero 5 TU
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Comité de rédaction :
Rédactrices en chef : Justine Paris / Vanille Roche-Fogli
Secrétaires de rédaction : Pauline Armenoult / Claire Couturier
Chargée de communication : A’icha Kathrada
Chargées de diffusion : Laura Bitarelli / Florelle Isal
Responsables du comité scientifique : Amélie Brito / Adeline Liébert
Comité scientifique : Stéphanie Caët Claire Cornilleau / Elsa Déléage / Claire Hélie Audrey Mirlo / Camille Prunet Stefano Rezzonico / Maria Serafina Russo
Comité de lecture : Anne Bessette / Yasna Boshkova Sébastien Candelon / Aliette Ventéjoux Elsa Déléage / Lamia Dzanouni Émilie Kasazian / Macha Ovtchinnika / Alice Yao
Conception graphique, photographies, mise en pages : Claire Pacquelet

Dans la continuité des actions menées par les fondatrices de la revue, Vanille Roche-Fogli et Justine Paris ont tenu à garantir la participation des doctorants dans toutes les activités de Traits-d’Union tout en essayant de donner plus de poids scientifique à la revue. Pour son numéro 5, Traits-d’Union s’est alors dotée d’un comité scientifique composé de jeunes docteurs de l’université Sorbonne nouvelle – Paris 3 et a mis en place une relation de relecture en double aveugle entre les auteurs, les relecteurs et les membres du comité de rédaction.

Sommaire :

Edito
Justine Paris & Vanille Roche-Fogli

L’apprentissage de la communication des émotions en milieu familial
Fazia Khaled 

La communication des émotions constitue un champ de recherche qui attire les chercheurs de plusieurs disciplines. L’article pour Traits-d’Union se concentre sur la tâche du linguiste en étudiant les phénomènes d’expression des émotions à travers plusieurs modes, de la communication verbale, aux gestes et aux expressions faciales. Cette article s’appuie sur les diverses manières d’exprimer les émotions, en particulier chez l’enfant, pour rendre compte de l’apprentissage de la communication des émotions chez un enfant en phase d’acquisition du langage. Grâce à l’étude d’un corpus de vidéos filmées en milieu familial, nous avons mis à jour le rôle de la communication parentale dans la transmission d’un certain modèle communicationnel. Lorsque les parents favorisent la communication non verbale pour communiquer les émotions, l’enfant reproduit ce modèle. Par ailleurs, l’étude des différents modes d’expression d’une émotion, la colère, a révélé que l’acquisition de la communication de cette émotion était singulière chez l’enfant étudié. La quasi absence d’expression de cette émotion chez les parents semble ralentir son acquisition chez l’enfant. L’article montre comment le phénomène interactionnel et environnemental joue un rôle prépondérant dans l’apprentissage de la communication des émotions.

Apprendre le français en situation de mobilité : entre parcours linguistiques et expériences de vie
Laura Guzman 

Des phénomènes géopolitiques, économiques et socioculturels actuels tels que la mobilité sociale ou l’internationalisation des institutions universitaires ou professionnelles peuvent être des facteurs capables de modifier les pratiques pédagogiques et didactiques dans diverses disciplines. Ainsi, il nous semble essentiel, dans le cadre d’une recherche sur l’enseignement/apprentissage du FLE (Français Langue Etrangère) et du FOS (Français sur Objectifs Spécifiques) en Colombie, de réfléchir sur les expériences d’intégration linguistique et culturelle des étudiants et des professionnels colombiens en situation de mobilité dans un pays francophone et sur les démarches didactiques et institutionnelles envisageables en Colombie pouvant améliorer l’apprentissage en langues de ce type de publics. Nous nous intéresserons plus précisément ici aux particularités des besoins langagiers de ces publics migrants et aux difficultés linguistiques et culturelles qu’ils peuvent rencontrer en milieu académique ou professionnel francophone.

Qu’apprend-on en s’alphabétisant à partir de slogans marxistes en période de guerre postcoloniale?
Fanny Dureysseix 

En 1980, le Gouvernement angolais publie, avec l’appui de Cuba, un ensemble pédagogique visant à réduire le fort taux d’analphabétisme hérité de la période coloniale portugaise. À partir de son analyse, cet article s’intéresse à l’apprentissage et à la transmission dans une perspective historique et postcoloniale. La question est de mesurer, pour ce corpus didactique, les enjeux idéologiques et les répercussions concrètes au niveau social et éducatif. D’une part, la visée utilitaire de slogans politiques pour alphabétiser et leur pertinence comme support d’apprentissage sont interrogées. D’autre part, nous nous intéressons aux conséquences de ce choix politique au niveau de la culture éducative contemporaine et de l’effectivité de la lutte contre l’illettrisme. La démarche réflexive et méthodologique retenue, privilégiant le plurilinguisme des sources et la diversité disciplinaire au plan théorique, vise à montrer comment l’étude d’un contexte local doit être soucieuse de considérer les enjeux de la globalisation en Afrique subsaharienne depuis le tournant historique que constitue les indépendances.

Devenir étudiant(e) en CPGE littéraire : la construction d’un nouveau rapport au travail
Morgane Maridet 

Les classes préparatoires littéraires, comme leur nom l’indique, permettent aux étudiants qui les intègrent de préparer les concours de la Banque d’Epreuves Littéraire, comprenant entre autres les concours des Écoles Normales Supérieures. Mais au-delà de cet objectif, plus ou moins investi par les étudiants, qu’apprend-on en hypokhâgne et en khâgne ? En se basant sur une recherche en cours en sociologie de la culture et de l’éducation portant sur leur rapport à la lecture, cet article explore certains des apprentissages attendus et effectifs faits par les étudiants suivant cette formation post-bac. Il ne s’agit pas seulement d’un apprentissage de contenus – littéraires, historiques, philosophiques… – mais également d’acquérir de nouvelles dispositions envers le travail, notamment la capacité à s’organiser de façon autonome pour mener à bien les tâches scolaires qui leur sont demandées et à hiérarchiser les ressources (manuels, essais universitaires, fiches de cours…). La lecture devient pour eux une des activités essentielles pour acquérir les contenus nécessaires : auparavant surtout pratique de loisir, elle devient dès lors essentiellement outil de travail, ce qui les amène à repenser la frontière entre les différents modes de lecture.

Crawling into the unknown
Claire Pacquelet

Mines, sidérurgie, images animées : l’apprentissage du geste et des techniques (1920-1983)
Nadège Mariotti 

Le catalogue de la Cinémathèque centrale de l’enseignement public propose un ensemble conséquent de films produits jusqu’aux années 1990, exceptionnel du point de vue patrimonial. Dans ce corpus, le fonds consacré aux mines et à la sidérurgie offre un vaste panel de films : films réalisés par l’institution elle-même ou par d’autres producteurs mais utilisés à des fins pédagogiques. Des interrogations portant sur ces deux ensembles se posent : peut-on retracer l’histoire de l’apprentissage à travers le film pédagogique? En termes d’exemple, quel peut être l’impact de l’image animée dans l’évolution des techniques d’apprentissage en métallurgie?  Pour vérifier la visée éducativede ces films, il convient d’en déterminer le public choisi, les techniques cinématographiques, la méthode utilisée et de les replacer dans un courant pédagogique, un contexte socio-économique. En listant l’évolution des années de production de ces 104 films, il est possible de mettre évidence trois périodes de l’utilisation de l’image animée comme outil d’apprentissage.

Apprendre à improviser, c’est apprendre à apprendre
Hervé Charton

L’improvisation théâtrale a aujourd’hui le vent en poupe. En témoignent un documentaire récent diffusé par Canal+, Liberté, égalité, improvisez !, et le cortège d’articles qui l’ont accompagné. Ce film retrace le parcours de quelques adolescents au sein du Trophée d’Impro de la Fondation Culture & diversité. Il présente également le plaidoyer de Jamel Debbouze pour la généralisation dans les collèges, en particulier de banlieues, du match d’improvisation – plaidoyer auquel se montrent sensibles nos représentants politiques. Ce qui nous frappe dans cette initiative, c’est que l’improvisation théâtrale, loin d’être une matière, comme les autres, capable d’apporter des outils de compréhension et d’appropriation du monde, nous y est présentée essentiellement à travers ses vertus curatives, comme un onguent à passer sur les blessures sociales. En présentant succinctement l’histoire et la pratique de ce genre de l’art théâtral apparu récemment, et qui est loin de se résumer aux matchs d’improvisation à la québecoise, nous montrons que les liens entre pédagogie et improvisation sont beaucoup plus étroits qu’il n’y paraît, que celle-ci nous invite non à augmenter l’école, mais à en repenser le fonctionnement, et qu’enfin, loin d’être un simple pansement psycho-social, elle peut constituer un formidable outil d’émancipation intellectuelle.

L’apprentissage chez Grotowski
Marina De Castro

Comment appréhender la question de la formation dans un domaine comme le théâtre, où il s’agit essentiellement de l’apprentissage d’une pratique ? Quel est le rôle du metteur en scène dans ce processus? Est-il toujours indispensable? Et surtout : de quoi avons-nous finalement besoin pour qu’un processus d’apprentissage ait lieu? Dans le cas du metteur en scène et pédagogue polonais Jerzy Grotowski (1933-1999), les réponses à ces interrogations dépassent les frontières de ce qu’on pourrait considérer comme théâtre, et trouvent leurs racines dans ses convictions les plus essentielles à propos de l’existence humaine. Qui suis-je? Chez Grotowski l’expérience théâtrale apparaît comme une possibilité de découverte d’une identité de soi au delà des habitudes. Il réalisa au théâtre ce que préconisait son maître spirituel, Ramana Maharshi : faire l’expérience de qui nous sommes véritablement.
La découverte de l’enseignement de ce dernier dévoile non seulement l’essence de ce que Grotowski concrétisa sur scène, mais aussi sa conception de l’apprentissage, et de son propre rôle en tant que metteur en scène dans ce processus. Finalement, chez Grotowski: apprendre ou plutôt « désapprendre » ?

Jan Fabre et le performer du XXIe siècle
Giulio Boato

Jan Fabre, plasticien et artiste de la scène contemporaine, porte une attention particulière à l’entrainement et à l’« éducation scénique » de ses performers. Ces dernières années, Fabre a commencé à définir sa propre méthodologie d’apprentissage pour former les interprètes de ses pièces, ce qu’il appelle « a guiding line for the performer of the XXI century, from act to acting ». Méthode appliquée tant aux danseurs qu’aux acteurs, elle est le résultat – en cours d’accomplissement – d’un processus de recherche poursuivi dans son Théâtre-Laboratorium. La formation du performer de Fabre ne se limite pas à l’entrainement physique, mais prévoit un développement de notions d’histoire du théâtre, de la performance et des arts plastiques. Le lieu de travail consacré aux productions théâtrales est dédié à l’enrichissement des compétences des acteurs-danseurs qui y habitent pendant le temps de création. Pour ce lieu, Fabre a demandé à des collègues artistes de créer des œuvres d’art permanentes, qui ne sont pas exposées comme dans un musée, mais intégrées dans l’architecture du bâtiment. La coprésence physique d’œuvre et observateur fait partie, selon Fabre, du processus de formation de ses collaborateurs.

Qu’apprend-on au cinéma ? Un éloge de la distraction
Damien Marguet 

À la fin de son célèbre article « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », Walter Benjamin développe une pensée qui contredit notre conception habituelle de l’apprentissage par le biais de l’art, selon laquelle il serait nécessaire de se concentrer et de raisonner pour comprendre le travail de l’artiste. Selon le philosophe, c’est au contraire à travers la « distraction » qu’il nous procure que le film peut nous préparer « à des tâches nouvelles ».
Qu’en est-il au juste de cette distraction (« Zerstreuung »), qui a depuis fait l’objet de nombreux commentaires ? Une relecture attentive des derniers chapitres de « L’œuvre d’art… » nous permettra de mieux saisir les enjeux de l’opposition posée par Benjamin entre, d’une part, peinture et poésie, dont la réception nécessiterait une certaine « concentration », et, d’autre part, cinéma et architecture, auxquels « la masse » accèderait de façon « distraite ». Nous chercherons à déterminer les conséquences philosophiques du discours benjaminien en matière de conception du savoir et de ses processus d’acquisition. Si sa description d’une société entièrement appareillée apparaît aujourd’hui comme visionnaire, nous constaterons que son éloge de la distraction comme façon d’apprendre est encore loin d’avoir été compris et reçu.

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